Le RCD déclenche les hostilités
1. Le 2 août 1998, le RCD (Rassemblement Congolais pour la Démocratie), avec à sa tête le professeur Ernest Wamba dia Wamba, Président ; Moise Nyarugabo, premier vice-président ; Arthur Zahidi Ngoma, deuxième vice-président et le professeur Vincent de Paul Lunda Bululu, coordonnateur du comité exécutif, soutenu par le Rwanda et l’Ouganda, déclenche la deuxième guerre de libération contre le pouvoir de Laurent-Désiré Kabila. Le RCD prend le contrôle des meilleures unités des FAC (Forces Armées Congolaise, l’armée de Laurent-Désiré Kabila) que le gouvernement avait déployées à l’Est du pays pour y garantir la sécurité de la population. Ces unités mutinées vont devenir le noyau de la branche armée du RCD sous la dénomination d’ANC (Armée Nationale Congolaise).
Le MLC est créé à Kisangani
Mécontent de la trop grande influence supposée du Rwanda sur le RCD, l’Ouganda va encourager la création d’un deuxième mouvement de libération. C’est ainsi que, dans le cadre d’un partenariat stratégique conclu avec le président Ougandais Yoweri Kaguta Museveni, Jean-Pierre Bemba et quelques patriotes congolais (Jean-Pierre Singo, Colonel Karawa, Guy Solo, Samuel Simene, Papy Kibonge, Maman Nzenze, José Ngoto, Charlotte Bongumba ) vont créer, le 30 septembre 1998, le Mouvement de Libération du Congo (MLC en sigle), mouvement politico-militaire.
Contre la volonté du RCD qui, pourtant, contrôlait militairement la ville. C’est ce qui explique le fait que, le jour de l’annonce officielle de la création du MLC à l’hôtel Olympia, le responsable du service de sécurité et de renseignement militaire (G2) du RCD à Kisangani, le commandant Laurent Nkunda, originaire du territoire de Rutshuru dans la province du Nord-Kivu, soit venu disperser les premiers sympathisants du MLC. Jean-Pierre Bemba ne viendra plus à la manifestation et c’est Papy Kibonge qui fera la communication de la création du nouveau mouvement.
Les hauts cadres du MLC, qui entretemps ont été rejoints par un autre groupe de fondateurs (Valentin Senga, Alain Munanga, Aaron Shabani, Delphin Etula, Jean-Claude Bilola….) décident de quitter Kisangani et de se lancer à la conquête des territoires de la province de l’Equateur.
Les nouveaux alliés de Laurent-Désiré Kabila
2. Face à cette coalition de ses anciens alliés, l’Ouganda et le Rwanda, qui appuient les deux nouveaux mouvements de libération, le Président Laurent-Désiré Kabila fait appel aux pays de la SADC. Trois pays vont venir à son secours : l’Angola, le Zimbabwe et la Namibie. Même le Tchad, soutenu par la Lybie, va répondre positivement à l’appel de Laurent-Désiré Kabila. Mais les troupes tchadiennes ne resteront pas longtemps au Congo. Puisque, après une cuisante défaite de ses troupes au pont Bilo, situé entre Buta et Dulia, dans la Province du Bas-Uélé, le président Idriss Deby va se retirer de cette guerre en échange de la libération de ses militaires capturés au front.
La guerre devient complexe
La guerre de 1998 va rapidement devenir très complexe puisqu’en réalité, elle est composée de plusieurs conflits. – 1° les Congolais se battent entre eux (RCD-MLC contre le pouvoir de Laurent-Désiré Kabila) – 2° les pays Africains qui se battent au Congo (Angola - Zimbabwe – Namibie – Tchad contre l’Ouganda - le Rwanda), - 3° les pays voisins de la RDC qui se battent au Congo avec leurs propres rebellions. Le MPLA angolais contre l’UNITA, l’armée rwandaise contre les rebelles rwandais FDLR – Interhamwé ; l’armée ougandaise contre les LRA et les ADF-NALU ; le gouvernement burundais contre le FDD et FNL. – 4° les groupes de résistance mayi-mayi qui se battent contre les armées du RCD, du RCD-K/ML ainsi que les armées de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi.
L’Accord de Lusaka
3. En vue de résoudre cette équation complexe qu’est devenue la guerre du Congo de 1998, que certains qualifient de première guerre mondiale africaine, la Communauté internationale (Union Africaine, Union Européenne, Etats-Unis, Nations-Unies, SADC…) va encourager la signature d’un accord de cessez-le-feu entre les belligérants. C’est l’Accord de Lusaka (Zambie). Il est signé le 10 juillet 1999 par les belligérants non congolais (Angola, Namibie, Zimbabwe, Ouganda, Rwanda) et le Gouvernement de Kinshasa. Le MLC va signer le 30 juillet 1999 et, enfin, le RCD signera le 31 août 1999.
Nous reviendrons un autre jour sur cette signature tardive du RCD parce qu’elle a un lien direct avec la première guerre de Kisangani qui a eu lieu du 14 au 17 août 1999 entre l’armée rwandaise qui soutenait les forces du RCD-Goma, et l’armée ougandaise, qui appuyait les forces du RCD-Kisangani.
Les solutions de l’Accord de Lusaka
L’Accord de Lusaka prévoit essentiellement cinq mécanismes pour résoudre la complexe crise congolaise :
4. Si les négociations et les signatures de l’Accord de Lusaka ont été très laborieuses, son application sera encore plus difficile. A cause surtout du nationalisme exacerbé du président Laurent-Désiré Kabila qui considère qu’on lui a forcé la main pour signer cet Accord. Dans lequel Accord, il reconnait, non seulement les « soi-disant mouvements de libération » (RCD et MLC), parce que pour lui, la RDC a été simplement agressée par l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi, mais il partage aussi le même statut des « belligérants congolais » avec ses mouvements.
Le président Laurent-Désiré Kabila se rebiffe
Par conséquent, le Président Laurent-Désiré Kabila va commencer à tergiverser dans l’application de l’Accord de Lusaka sur trois points en particulier.
Premièrement, Laurent-Désiré Kabila et son équipe vont créer une distinction, qui n’existe pas dans l’Accord de Lusaka, entre les troupes étrangères invitées et les troupes étrangères non invitées. Pour eux, les troupes non invitées par le gouvernement congolais, c'est-à-dire les troupes de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi (ce dernier n’a jamais reconnu la présence de ses troupes au Congo et n'est donc pas signataire de l'Accord de Lusaka), doivent quitter en premier le territoire congolais.
Tandis que les troupes invitées, les armées de l’Angola, du Zimbabwe et de la Namibie, peuvent encore rester. Alors que, pour les autres signataires de l’Accord et même les témoins, signataires de cet Accord (les Nation-Unies, l’UA, la SADC et la Zambie), les retraits des troupes étrangères doivent se faire de manière concomitante.
Kinshasa récuse le facilitateur Masire
5. Deuxièmement, alors que la désignation de l’ancien président du Botswana comme Facilitateur du Dialogue Inter-Congolais a été longue et laborieuse (l’Accord prévoyait la désignation du Facilitateur dans les quinze jours de sa signature, Ketumile Masire, l'homme aux cinq doctorats, a été désigné par consensus en décembre 1999, soit quatre mois plus tard), Laurent-Désiré Kabila va revenir sur son acceptation.
Le 19 juin 2000, le gouvernement de Laurent-Désiré Kabila ferme les bureaux de la Facilitation à Kinshasa en y apposant les scellés. Au mois de juillet 2000, le ministre des Affaires Etrangères de Laurent-Désiré Kabila, Abdoulaye Yerodia Ndombasi, déclare que le Dialogue Inter-Congolais prévu par l’Accord de Lusaka n’était plus possible. Le 19 octobre de la même année, le ministre de l’Information de Laurent-Désiré Kabila, Sakombi Inongo, informe l’opinion, dans un communiqué, que la récusation de Ketumile Masire, Facilitateur du Dialogue Inter-Congolais, lui a été signifiée formellement par écrit. C’est la rupture entre Laurent-Désiré Kabila et Ketumile Masire. Et donc l’impasse du Dialogue.
L’impasse
A la place du Dialogue Inter-Congolais prévu par l’Accord de Lusaka, Laurent-Désiré Kabila propose son dialogue national aux mouvements de libération (RCD et MLC) qui rejettent en bloc sa proposition.
Troisièmement, le président Laurent-Désiré Kabila s’oppose, au mois de mai 2000, au déploiement des forces onusiennes dans la partie de la RDC contrôlée par le gouvernement de Kinshasa. Sa méfiance à l’égard des casques bleus provient de sa conviction que son idole, Patrice Emery Lumumba, a été arrêté et assassiné à la suite de la complaisance, si pas la complicité, des forces onusiennes déployées au Congo en 1960.
6. A partir du mois de novembre 2000, certains experts de la crise congolaise étaient d’accord sur un point : Laurent-Désiré Kabila était considéré comme l’obstacle majeur à la résolution de cette crise qui se trouvait maintenant dans une impasse, avec de nombreuses violations du cessez-le-feu, de part et d’autre. Se fondant sur les déclarations rassurantes de ses alliés, le Président Laurent-Désiré Kabila ne s’est pas rendu compte que l’application de l’Accord de Lusaka fût devenue primordiale pour tous les belligérants étrangers engagés dans la guerre au Congo (Angola, Zimbabwe, Namibie, Ouganda, Rwanda).
L’Accord de Lusaka, une porte de sortie pour les belligérants étrangers
En effet, cette application leur permettrait de résoudre trois problèmes qu’ils avaient en commun. Primo : La guerre coûte cher. Entretenir des troupes et mener des opérations militaires en dehors de ses propres frontières peut présenter un cout financier et logistique exorbitant pour ces pays pauvres d’Afrique. Secundo, la cohabitation avec les populations locales n’est pas toujours évidente pour ces armées étrangères qui sont parfois perçues comme des forces d’occupation et de ce fait suscitaient, par leur présence, des mouvements de résistance patriotique. En particulier dans la partie Est de la RDC. Tertio, l’application de l’Accord de Lusaka permettrait une sortie rapide et honorable de toutes les forces étrangères du bourbier congolais ; ni vainqueur ni vaincu.
Le complot contre le président Laurent-Désiré Kabila
7. C’est ainsi que, selon certaines sources, un projet d’élimination physique de Laurent-Désiré Kabila va être concocté par certaines officines étrangères en complicité avec quelques-uns de ses proches collaborateurs. Et ce projet va être mis en exécution le 16 janvier 2001 par l’assassinat du troisième président congolais dans son bureau du Palais de marbre à Kinshasa.
Pour assurer la continuité du fonctionnement de l'État , le général-major Joseph Kabila, commandant des forces terrestres des FAC et fils du défunt Laurent Désiré Kabila, est désigné le 24 janvier 2001, par consensus, Président de la République.
Le général-major joseph Kabila, nouveau président
C’est ainsi que le 26 janvier 2001, soit 10 jours après la disparition de Laurent-Désiré Kabila, le général-major Joseph Kabila prête serment devant la Cour Suprême de justice comme nouveau Président de la République Démocratique du Congo et Chef de l’Etat. Il a 29 ans. Et il a une vision différente de celle de Mzee.
Une autre vision
En effet, ayant, par sa position dans l’armée, une connaissance réelle des rapports de forces sur le terrain entre les belligérants, le général-major Joseph Kabila est convaincu que la crise congolaise ne pourra pas être réglée militairement. Pour éviter la pérennisation de la partition de fait de notre pays due à l’enlisement de la guerre, en quatre zones autonomes (zone gouvernementale, zone RCD-Goma, zone RCD-Kisangani et zone MLC), il fallait à tout prix dialoguer avec les mouvements de libération, l’opposition non-armée et la société civile. En d’autres termes, il fallait faciliter la tenue du Dialogue Inter-Congolais tel que prévue par l’Accord de Lusaka.
Joseph Kabila remet Masire en selle et rassure la communauté internationale
8. C’est ainsi que le 15 février 2001 à Lusaka, lors d’une réunion au sommet des signataires de l’Accord de Lusaka, Joseph Kabila surprend les participants en les informant qu’il accepte Ketumile Masire comme Facilitateur et souhaite la poursuite du processus devant conduire au Dialogue Inter-Congolais.
Effectivement, les bureaux de la Facilitation vont être réouverts à Kinshasa. Et le président Masire va nommer le professeur mauritanien Hacen Ould Lebatt comme son représentant spécial à Kinshasa.
Dans l’objectif d’obtenir le soutien des puissances occidentales dans le processus de résolution de la crise congolaise, le nouveau Président Joseph Kabila va se rendre à New-York, Washington, Paris et Bruxelles.
Au Conseil de Sécurité des Nations-Unies, il impressionne ses interlocuteurs par son calme, sa capacité d’écoute et sa sérénité. Dans son discours, il réitère l’engagement de la RDC à collaborer étroitement avec la Monuc.
La décrispation politique
En vue de décrisper le climat politique au pays avant la tenue du Dialogue Inter-Congolais, le Président Joseph Kabila fait adopter la loi n°001-2001 du 17 mai 2001 portant organisation et fonctionnement des partis et regroupements politiques. Loi qui autorise les partis politiques à reprendre leurs activités.
La voie du Dialogue Inter-Congolais, prévu par l’Accord de Lusaka, et qui doit conduire à un nouvel ordre politique en RDC et à la réconciliation nationale, est désormais balisée.
Qui seront les participants à ce Dialogue ? Quel sera l’ordre du jour ? Comment vont se dérouler ces assises ? Quelles en seront les résolutions finales ?
A suivre !
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