Indépendance du Congo : Discours du Roi Baudouin 1er

lun. 15/11/2021       mer. 17/11/2021       6 minutes et 38 secondes       293 Vues

Ci-après, le discours prooncé par le Roi Beaudouin 1er, Roi des Belges, lors des cérémonies de la proclammation de l'indépendance de la République du Congo, au palais de la Nation, le 30 juin 1960.

Le Roi de 30 ans arriva à Léopoldville (actuellement Kinshasa) le 29 juin 1960 et fut acceuilli chaleureseuement par les nouvelles autorités congoalies et par la population.

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Monsieur le Président,

Messieurs,

 

L'indépendance du Congo constitue l'aboutissement de l'oeuvre conçue par le Roi Léopold II, entreprise par lui avec un courage tenace et continuée avec persévérance par la Belgique. Elle marque une heure décisive dans les destinées non seulement du Congo lui-même, mais je n'hésite pas à l'affirmer, de l'Afrique tout entière.

Pendant 80 ans, la Belgique a envoyé sur votre sol les meilleurs de ses fils, d'abord pour délivrer le bassin du Congo de l'odieux trafic esclavagiste qui décimait ses populations ; ensuite, pour rapprocher les unes des autres ethnies qui, jadis ennemies, s'apprêtent à constituer ensemble le plus gr and des Etats indépendants d'Afrique ; enfin, pour appeler à une vie plus heureuse les diverses régions du Congo que vous représentez ici, unies en un même Parlement.

En ce moment historique, notre pensée à tous doit se tourner vers les pionniers de l'émancipation africaine et vers ceux, qui après eux, ont fait du Congo ce qu'il est aujourd'hui. Ils méritent à la fois, NOTRE admiration et VOTRE reconnaissance, car ce sont eux qui, consacrant tous leurs efforts et même leur vie à un grand idéal, vous ont apporté la paix et ont enrichi votre patrimoine moral et matériel. Il faut que jamais ils ne soient oubliés, ni par la Belgique, ni par le Congo.

Lorsque Léopold II a entrepris la grande oeuvre qui trouve aujourd'hui son couronnement, il ne s'est pas présenté à vous en conquérant mais en civilisateur.

 

Le Congo, dès sa fondation, a ouvert ses frontières au trafic international, sans que jamais la Belgique y ait exercé un monopole institué dans son intérêt exclusif.

Le Congo a été doté de chemins de fer, de routes, de lignes maritimes et aériennes qui, en mettant vos populations en contact les unes avec les autres, ont favorisé leur unité et ont élargi le pays aux dimensions du monde.

Un service médical, dont la mise au point a demandé plusieurs dizaines d'années, hôpitaux nombreux et remarquablement outillés ont été construits. L'agriculture a été améliorée et modernisée. De grandes villes ont été édifiées et, à travers tout le pays, des entreprises industrielles ont mis en valeur les richesses naturelles du sol. L'expansion de l'activité économique a été considérable, augmentant ainsi le bien-être de vos populations et dotant le pays de techniques indispensables à son développement.

Grâce aux écoles des missions, comme à celles que créèrent les pouvoirs publics, l'éducation de base connaît une extension enviable ; une élite intellectuelle a commencé à se constituer que vos universitaires vont rapidement accroître.

Un nombre de plus en plus considérable de travailleurs qualifiés appartenant à l'agriculture, à l'industrie, à l'artisanat, au commerce, à l'administration, font pénétrer dans toutes les classes de la population l'émancipation individuelle qui constitue la véritable base de toute civilisation.

Nous sommes heureux d'avoir ainsi donné au Congo, malgré les plus grandes difficultés, les éléments indispensables à l'armature d'un pays en marche sur la voie du développement.

Le grand mouvement d'indépendance qui entraîne toute l'Afrique a trouvé, auprès des pouvoirs belges, la plus large compréhension. En face du désir unanime de vos populations, nous n'avons pas hésité à vous reconnaître, dès à présent, cette indépendance.

C'est à vous, Messieurs, qu'il appartient maintenant de démontrer que nous avons eu raison de vous faire confiance.

Dorénavant, la Belgique et le Congo se trouvent côte à côte, comme deux Etats souverains, mais liés par l'amitié et décidés à s'entraider. Aussi, nous remettons aujourd'hui entre vos mains tous les services administratifs, économiques, techniques et sociaux ainsi que l'organisation judicaire, sans lesquels un Etat moderne n'est pas viable. Les agents belges sont prêts à vous apporter une collaboration loyale et éclairée.

Votre tâche est immense et vous êtes les premiers à vous en rendre compte. Les dangers principaux qui vous menacent sont : l'inexpérience des populations à se gouverner, les luttes tribales, qui jadis ont fait de mal et qui, à aucun prix, ne doivent reprendre, l'attraction que peuvent exercer sur certaines régions des puissances étrangères, prêtes à profiter de la moindre défaillance.

Vos dirigeants connaîtront la tâche difficile de gouverner. Il leur faudra mettre au premier plan de leurs préoccupations, quel que soit le parti auquel ils appartiennent, les intérêts généraux du pays. Ils devront apprendre au peuple congolais que l'indépendance ne se réalise pas par la satisfaction immédiate des jouissances faciles, mais par le travail, par le respect de la liberté d'autrui et des droits de la minorité, par la tolérance et l'ordre, sans lesquels aucun régime démocratique ne peut subsister.

 

Je tiens à rendre ici un particulier hommage à la Force Publique qui a accompli sa lourde mission avec un courage et un dévouement sans défaillance.

L'indépendance nécessitera de tous des efforts et des sacrifices. Il faudra adapter les institutions à vos conceptions et à vos besoins, de manière à les rendre stables et équilibrés. Il faudra aussi former des cadres administratifs expérimentés, intensifier la formation intellectuelle et morale de la population, maintenir la stabilité de la monnaie, sauvegarder et développer vos organisations économiques, sociales et financières.

Ne compromettez pas l'avenir par des réformes hâtives, et ne remplacez pas les organismes que vous remet la Belgique, tant que vous n'êtes pas certains d pouvoir faire mieux.

Entretenez avec vigilance l'activité des services médicaux dont l'interruption aurait des conséquences désastreuses et ferait réapparaître des maladies que nous avions réussi à supprimer. Veiller aussi sur l'oeuvre scientifique qui constitue pour vous un patrimoine intellectuel inestimable. N'oubliez pas qu'une justice sereine et indépendante est un facteur de paix sociale ; la garantie du respect du droit de chacun confère à un Etat dans l'opinion internationale, une grande autorité morale.

N'ayez crainte de vous tourner vers nous. Nous sommes prêts à rester à vos côtés pour vous aider de nos conseils, pour former avec vous les techniciens et les fonctionnaires dont vous aurez besoin.

L'Afrique et l'Europe se complètent mutuellement et sont appelées en coopérant au plus brillant essor. Le Congo et la Belgique peuvent jouer un rôle de première grandeur par une collaboration constructive et féconde, dans la confiance réciproque.

 

Messieurs,

Le monde entier a les yeux fixés sur vous. A l'heure où le Congo choisit souverainement son style de vie, je souhaite que le peule congolais conserve et développe le patrimoine des valeurs spirituelles, morales et religieuses qui nous est commun et qui transcende les vicissitudes politiques et les différences de race ou de frontière.

Restez unis, et vous saurez vous montrer dignes de grand rôle que vous êtes appelés à jouer dans l'histoire de l'Afrique.

 

Peuple congolais,

Mon pays et moi-même nous reconnaissons avec joie et émotion que le Congo accède ce 30 juin 1960, en plein accord et amitié avec la Belgique, à l'indépendance et à la souveraineté internationale.

 

Que Dieu protège le Congo!

Roi Beaudouin 1er, Roi des belges.

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Sources et références
  • Les discours prononcés par le Roi Baudouin Ier, le Président Joseph Kasa-Vubu et le Premier Ministre Patrice-Emery Lumumba lors de la cérémonie de l’indépendance du Congo (30 juin 1960) à Léopoldville (actuellement Kinshasa). [En ligne] URL : http://archiv.kongo-kinshasa.de/dokumente/lekture/disc_indep.pdf
  • Agbumana Motingia D., Discours du Roi Beaudouin 1 er, Dictionnaire biographique des cadres. Edition spéciale 2012, pages 34 - 35
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