Abeti Masikini et Pongo Love, victimes de la politique congolaise.

ven. 1/10/2021       ven. 1/10/2021       6 minutes et 26 secondes       315 Vues

Ces deux orphelines congolaises, dont les pères ont été victimes de la haine et des violences politiques des années soixante dans notre pays, vont marquer l'histoire de la musique congolaise en chantant l'amour !

Abeti Masikini, fille de Jean-Pierre Finant 

1. Abeti Masikini, de son vrai nom Elisabeth Finant (Betty Finant pour les intimes) est née le 9 novembre 1954 à Stanleyville (actuel Kisangani). Elle est la fille de Jean-Pierre Finant. Celui-ci est le fils d'un belge et d'une mère azandé, originaire du territoire de Bondo dans l'actuelle province du Bas-Uélé.

2. Aux élections générales de mai 1960, Jean-Pierre Finant est élu à la fois conseiller provincial (député provincial) pour le territoire de Bondo et député national pour le compte de son parti politique le MNC-L (Mouvement National Congolais-Lumumba). Par stratégie politique, Patrice Emery Lumumba lui demande de renoncer à son mandat de député national pour rester en province.

Le 11 juin 1960, Jean-Pierre Finant est élu président du gouvernement provincial (gouverneur) de la province Orientale par 69 voix sur les 72 votants. Il devient ainsi le premier gouverneur congolais de cette province. 

Jean-Pierre Finant, le fidèle de Patrice Lumumba 

3. Durant la période des désordres politiques qui surviennent après la proclamation de l'indépendance de notre pays (mutinerie de la Force Publique [5 juillet 1960], sécession du Katanga [11 juillet 1960], sécession du Sud-Kasai [8 août 1960]. . . ), Jean-Pierre Finant va manifester une loyauté exemplaire à son parti politique le MNC-L et une fidélité sans faille à l'égard de son leader Patrice Emery Lumumba. 

M'Pongo Love, fille du colonel Gilbert Pongo 

4. M'Pongo Love, de son vrai nom Alfride Pongo Landu, est née le 27 août 1956 à Boma, dans la province du Kongo-central. Elle est la fille du colonel Gilbert Pongo, haut cadre de la Sûreté nationale (actuelle ANR) et très proche collaborateur du colonel Joseph-Désiré Mobutu, Chef d'état-major général de l'ANC (armée nationale congolaise).

En 1960, Pongo Landu, âgée de 4 ans va vivre un drame personnel. En effet, à la suite d'une mauvaise injection de la pénicilline, elle perd l'usage de ses jambes. Elle va recouvrer partiellement l'usage de ses jambes en 1962. Mais elle restera quand même avec un handicap. 

Le colonel Pongo poursuit et arrête Lumumba 

5. Nous l'avons déjà vu, Patrice Emery Lumumba, le premier ministre déchu par le président Kasa-vubu, décide de s'échapper, dans la nuit du 27 au 28 novembre 1960, de sa résidence surveillée, pour rejoindre, par la route du Bandundu, son fief politique qui est Stanleyville où son camarade du parti Jean-Pierre Finant, le papa d'Abeti Masikini, est gouverneur de province.

Dès que les autorités nationales de Leopoldville sont informées de la fuite de Lumumba, le colonel Mobutu et Victor Nendaka, le nouveau chef de la Sûreté nationale, ordonnent au colonel Gilbert Pongo de poursuivre le fugitif, de l'arrêter et de le ramener à Kinshasa. Mission qui sera accomplie le 2 décembre 1960. Après son arrestation dans la nuit du 1er au 2 décembre 1960, au bord de la rivière Sankuru à Lodi, Patrice Emery Lumumba va être escorté personnellement par le colonel Gilbert Pongo jusqu'à Kinshasa. 

Antoine Gizenga déclare Stanleyville (Kisangani), nouvelle capitale du Congo

 6. Le même jour de l'arrestation de Patrice Lumumba (2 décembre), Antoine Gizenga, ancien vice-premier ministre du gouvernement Lumumba, qui est arrivé à Kisangani le 14 octobre 1960, proclame Stanleyville " capitale provisoire de l'État ". Et le 13 décembre 1960, le même Gizenga informe l'opinion que le gouvernement qu'il préside, en l'absence de Patrice Lumumba, 1er ministre légitime arrêté arbitrairement, est le seul gouvernement légal du pays.

De ce fait, son gouvernement et son armée, l'ANC-Lundula, dirigée par le général Victor Lundula, ancien commandant en chef de l'ANC, limogé par le président Kasa-vubu en septembre 1960, décident de reconquérir l'ensemble du territoire national par la force.

Antoine Gizenga et le général Lundula libèrent Bukavu et arrêtent le colonel Pongo et ses hommes. 

7. C'est ainsi que, après d'intenses combats entre les militaires de l'ANC-Mobutu et ceux de l'ANC-Lundula, la ville de Bukavu va tomber le 25 décembre 1960 sous le contrôle des forces Lumumbistes. 

En réaction à cette défaite, le colonel Mobutu décide de lancer une opération commando en vue de libérer la ville de Bukavu. Avec la complicité des belges, qui sont encore présents au Rwanda (celui-ci n'accèdera à son indépendance qu'en 1962), le commando, dirigé par le colonel Gilbert Pongo en personne, s'infiltre à Bukavu en provenance de Cyangungu, au Rwanda.  

Malheureusement pour eux, l'opération va échouer lamentablement et les Lumumbistes capturent Gilbert Pongo et ses hommes qui sont transférés immédiatement à Stanleyville, capitale de la République Libre du Congo d'Antoine Gizenga.

Gizenga exige la libération de Lumumba en échange du colonel Pongo 

8. Après l'arrivée de ces prisonniers, Antoine Gizenga lance un ultimatum aux autorités de Kinshasa par lequel il leur demande la libération de Patrice Lumumba, emprisonné à Thysville (Mbanza-Ngungu) en échange de Gilbert Pongo et ses hommes. Le 20 février 1961, à l'expiration du délai imparti pour la libération de Lumumba, Kinshasa n'ayant pas bougé, Gilbert Pongo et tous les membres de son commando sont exécutés par les Lumumbistes à Kisangani. Ainsi meurt Gilbert Pongo, le papa de Pongo Love, qui a 4 ans et demi. 

Le colonel Mobutu et Victor Nendaka livrent des lumumbistes à Kalonji Mulopwe 

9. Le 9 février 1961, un groupe des hauts cadres Lumumbistes, qui avaient été enlevé par les hommes du colonel Mobutu et de Victor Nendaka, sont transférés à Bakwanga (actuel Mbuji-mayi), capitale de l'État Autonome du Sud-Kasai. Dans la nuit du 12 au 13 février 1961, ils vont être jugé sommairement par un tribunal présidé par Charles Mbikayi, un notable kasaien proche d'Albert Kalonji le Mulopwe, Chef de l'État Autonome du Sud-Kasai. Après un rapide semblant de procès, les Lumumbistes sont condamnés à mort et exécutés devant une foule immense qui applaudi (témoignage d'Albert Kalonji).

Le papa d'Abeti Masikini et ses camarades lumumbistes sont tués à Bakwanga 

10. Les victimes de ces règlements des comptes politiques sont :

  1. Jean-Pierre Finant, ancien gouverneur de la Province orientale et père d'Abeti Masikini. À la mort de son père, notre future star a 6 ans et demi. 
  2. Christophe Muzungu, ancien premier responsable congolais de la Sûreté nationale, nommé par Lumumba, en remplacement du colonel Vandewalle. Et père de Christophe Muzungu, l'actuel ambassadeur de la RDC à Brazzaville. 
  3. Emmanuel Nzuzi, ancien président de la Jeunesse du MNC-L et grand-frère de Catherine Nzuzi qui deviendra plus tard Catherine Nzuzi wa Mbombo, femme politique courageuse, qui a accepté, après la chute de Mobutu, d'assumer l'héritage du mobutisme en acceptant la présidence du MPR, parti du Maréchal Mobutu. 
  4. Jacques Lumbala, ancien secrétaire d'État (vice-ministre), comme Joseph-Désiré Mobutu, du gouvernement Lumumba. 
  5. Elengesa. . . 

11. Transcendant ces drames familiaux, ces deux orphelines (Abeti Masikini et Pongo Love) vont se lancer, corps et âmes, dans l'exercice de leur passion commune : la musique !

Par leurs talents, la recherche de l'excellence, leur sérieux, leurs sacrifices, elles vont, chacune de son côté, connaître un succès phénoménal et elles vont marquer, de leurs empreintes indélébiles, l'histoire de la musique congolaise moderne. 

 

Respects !

Pour leur rendre hommages, vous pouvez écouter les chansons suivantes: Abeti Masikini " I love you ". M'Pongo Love " Ndaya ".

A suivre ! Vos observations, corrections, critiques sont les bienvenues.

Sources et références
  • Page Facebook : Thomas Luhaka Losendjola - 15 septembre 2021
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Thomas Luhaka Losendjola © : Thomas Luhaka Losendjola - septembre 2021

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