Thérèse Déchade Kapangala Mwanza, né Kisangani le 28 aout 1993 dans la Province Orientale et tué le 21 janvier 2018 dans la commune de Kintambo à Kinshasa, est aspirante religieuse de la communauté des Sœurs de la Sainte Famille de Bergame et Martyr de l’alternance en République Démocratique du Congo (RDC).

Elle a été tuée à la paroisse Saint François de Sales, lors de la répression de la marche anti - Kabila du 21 janvier 2018 à l’appel du Comité Laïc de Coordination. Sa mort, de même que celle d’autres tués le même jour dans divers endroits de Kinshasa, a cristallisé toute l’indignation autour de la répression policière lors de la marche du 21 janvier 2018. 

A ce jour, ses assassins n’ont jamais été traduits en justice malgré la plainte de sa famille. Cette dernière sollicite et espère une implication du Chef de l’Etat Felix Tshisekedi pour que justice soit faite.

Famille et scolarité

Thérèse Kapangala, était la fille de Monsieur Steve Kapangala et Eugénie Bakisa. Elle est l’ainée d’une famille recomposée de six enfants, dont 3 garçons et trois filles.

Elle fait ses études primaires au Lycée Mapendano de Kisangani. Pour des raisons de mobilité familiale, elle change d’école et entame ses études secondaires au Complexe scolaire « Langa de la Vie », puis au « Lycée Notre dame de la providence » de Kinshasa Ngaliema, pour finalement décrocher son diplôme d’état en coupe et couture au Lycée Technique de Kinshasa Kasa-Vubu.

En 2013, la famille Kapangala s’installe à Kintambo où elle avait acquis une parcelle.

Vocation religieuse

Né et grandi dans une famille fervente catholique, Thérèse Kapangala fut baptisée en 2011, à la paroisse Saint Jean Marie Museyi de Lingwala Kinshasa. Et lorsque la famille s’établit à Kintambo, elle commence à fréquenter la paroisse Saint François de Sales (len face du stade vélodrome de Kintambo).

Thérèse était bien connue par les paroissiens pour son implication dans les activités de sa paroisse. Elle était membre de la chorale, membre de la légion de Marie et aimait, non seulement prier devant la Grotte, mais aussi l’entretenir.

« Lorsqu’elle n’était pas chez elle, elle était toujours devant la grotte mariale de la paroisse, récitant son chapelet. Et quand elle terminait sa prière, elle prenait toujours le temps d’assurer l’entretien de Grotte en y mettant des bougies allumées et déposant des fleurs en l’honneur de la Vierge Marie. […] Beaucoup commençait déjà à l’appeler Marie. » Témoigne un prêtre de la Paroisse.

Thérèse avait décidé de se mettre au service du seigneur en devenant religieuse. Elle avait d’abord pensé rejoindre la communauté des missionnaires de la Charité de Mère Thérèse de Calcutta, car elle admirait l’œuvre de Mère Teresa. Mais elle opta finalement pour la communauté des Sœurs de la Sainte Famille de Bergame. Elle devait intégrer le couvant au mois de juin 2018.

Thérèse en famille

Outre sa vie spirituelle, Thérèse était la joie de sa famille. Elle était une personne douce, très serviable, toujours souriante et se mettait rarement en colère. Elle savait se sacrifier pour les autres et aimait s’occuper de tout dans la maison.

Entant qu’ainée de sa famille, elle était devenue pour ses frères et sœurs comme leur petite maman de la maison. C’est chez elle qu’ils se tournaient pour régler les litiges d’enfants, pour « résoudre » les fièvres et les maux de têtes, pour demander une prière de soutien, etc.

Le contexte politique dans le pays

En 2016, les élections présidentielles et législatives prévues en RDC n’ont pas eu lieu. Le président Kabila, dont le mandat avait expiré en décembre 2016, n’avait pas démissionné, dépassant ainsi le maximum de deux mandats autorisés par la constitution. 

Pendant les deux années qui ont suivi, le clergé et les laïcs avaient été à l’avant-garde des tentatives visant à promouvoir le changement démocratique en RDC. Cela a commencé par des efforts de médiation de l’Eglise en 2016 pour parvenir à une transition pacifique du régime du Président Joseph Kabila. Quand ils ont échoué, cela s’est transformé en un mouvement de protestation de masse.

L’oncle Joseph et le conseil de famille du 20 janvier 2018

Quelques jours avant le jour de la marche pacifique, le Père Joseph Musubao – qui était l’oncle maternel, accompagnateur spirituel de Thérèse et enseignant dans un grand séminaire de Kintambo – est  invité à dire la messe dominicale du 21 janvier, à la paroisse Saint François de Sales de Kintambo à 6h30 et à accompagner les fidèles lors de la marche pacifique pour réclamer les élections libres et équitables.

Le samedi 20 janvier, l’oncle Joseph Musibabo se rend à la famille et leur donne la nouvelle. La famille se retrouvé préoccupe et divisée. Les uns lui proposent de dire la masse mais de ne pas participer à la marche, alors que autres, particulièrement les plus jeune estime que c’est bien de le faire pour l’intérêt du pays. 

Thérèse décide alors de se joindre à la marche pour veiller sur son oncle et père spirituel, car elle craignait pour sa sécurité et c’est exactement ce qu’elle a fait.

La marche du dimanche 21 janvier 2018 et le décès de Thérèse

Dimanche 21 janvier 2018, Thérèse est présente à la paroisse comme elle l’avait résolu. Au moment de quitter la paroisse pour la marche, les manifestants se heurtent aux forces de la Police Nationale Congolaise (PNC) qui les somme de rentrer et de rester à l’intérieur de la paroisse. Apres plusieurs tentatives de sortie, les fidèles sont violement réprimés par la police et se retrouvent en danger et sans défense. Ils commencent à fuir dans tous les sens dans la cour de la paroisse, cherchant ou s’abriter des gaz lacrymogènes et de la pluie des balles de police.

Dans cette bousculade, une dizaine des jeunes de la paroisse, qui connaissaient Thérèse depuis les activités de la paroisse, viennent se réfugier chez elle.  Elle se retrouve subitement occupée à essuyer, avec de la margarine (censée atténuer les effets des gaz lacrymogènes sur la peau), les yeux d’une petite fille, dont le visage était inondé des gaz lacrymogène. Son jeune frère Jean Claude Kapangala arrive et lui ajoute une autre boite de margarine. 

Thérèse se mit à se diriger vers l’entrée de l’église pour chercher comment s’abriter avec les jeunes gens. Elle était déjà devant la porte de l’église lorsque l’escadron de la mort surgit, à la poursuite des fidèles qui se bousculaient dans la cours de l’église. Pendant les autres jeunes pénétraient l’église, Thérèse continue de conduire la petite fille dont elle nettoyait les yeux. 

Arrivé à l’entrée de l’église, le policier tireur et tueur pointa son arme en direction de la porte de l’église où Thérèse se retrouvait ou ouvrit le feu.  Pendant qu’elle essayait de couvrir la jeune fille par son corps, Thérèse est atteint par quatre balles, dont l’une traversa son cœur, et tomba à l’entrée (latérale) de l’église. Les autres fidèles accoururent,  la soulevèrent et l’emmenèrent rapidement au couvant. Elle est déposée devant l’entrée et un médecin qui se retrouvait parmi les fidèles essaya de la secourir, mais les signes vitaux s’affaiblissent de plus en plus. On la transporta d’urgence vers les soins intensifs de l’hôpital de Kintambo, mais hélas, le corps est sans vie. 

Thérèse Dechade Kapangala a péri, à l’âge de 24 ans. Il eut également d’autres morts à travers la ville de Kinshasa le même jour, à l’occasion de la même manifestation.

Bataille pour la vraie version 

Face à la clameur du public, consécutive aux bavures policières de ce jour, le gouvernement prétexta que Thérèse faisait partie d’un groupe de pilleurs à Kintambo magasin et c’est là qu’elle avait été atteinte. Son corps fut ainsi confisqué.

Indignée, la famille porta plainte contre inconnue. Il n’y a pas eu de suite. Elle décida de porter une deuxième plainte, cette fois-ci, contre le Général Kasongo et réclama l’autopsie. Le gouvernement accorda que l’autopsie soit faite et on parvint à la conclusion qu’elle a été effectivement tuée par balles.

Le gouvernement changea ainsi sa version des faits et essaya d’approcher la famille pour prendre les funérailles en charge mais la famille déclina l’offre. Le corps de Thérèse fut ainsi mis à la disposition de sa famille. 

Les obsèques de Thérèse 

Le corps sorti de la morgue le 8 février 2018. Avant son enterrement, une messe sera dite le 9 février, par le père Aimé Lusambu, prêtre de la paroisse Saint François de Sales (lieu du drame), avec une assistance d’environ deux mille personnes, et en présence des plusieurs personnalités politiques (Delly Sessanga, Eve Bazaiba, …..), des officiels de l’armée et de la police. 

Pendant leurs témoignages, plusieurs intervenants ont comparé la jeune aspirante à la Bienheureuse Annuarite Nengapeta qui fut tuée en 1964 lors de la révolution Simba.

Thérèse fut porté à sa dernière demeure le 9 février 2018, à la cimentière « Nécropole 1 – entre terre et ciel ».

Hommages 

La mort de Thérèse Kapangala a cristallisé toute l’indignation autour de la répression policière lors de la marche du 21 janvier 2018. Depuis, la jeune aspirante est devenue le symbole des marches catholiques contre le président Joseph Kabila. 

La famille a affirmé avoir été inondé des messages de consolation et de soutient, provenant de partout dans le monde. Parmi les plus frappant, celui des enfants d’une classe de maternelle aux Etats Unis d’Amérique, qui ont fait une collecte et enregistré une vidéo avec des messages d’amour envers Thérèse et envers sa famille. Ces enfants avaient chargé la mère d’un d’entre eux pour expédier ce colis (vidéo, collecte et lettres) à la famille de Thérèse. 

Au mois de juillet 2021, Jérôme Chong réalisa, sur base des récits du Père Joseph Musubao et de Ruffin Kitoko, un documentaire intitulé « Therese Dechade Kapangala, A Martyr For Justice And Peace » en l’honneur de Thérèse Kapangala. (Lien en sources).

Que justice soit faite

Quelques temps après, la famille fut invité pour se faire rembourser leurs dépenses effectuées. Mais elle refusa une fois de plus l’offre du gouvernement, préférant l’avancement du dossier en justice que des enveloppes passées à l’ombre. 

La famille de Thérèse que, depuis les obsèques de leur fille, leur plainte n’a pas évoluée. Elle sollicite une implication personnelle du Chef de l’Etat Felix Tshisekedi, ainsi que toutes les personnes de bonne volonté pour que Justice soit faite, non seulement en faveur de Thérèse, mais aussi en faveur de toutes les victimes du 21 janvier 2021.

A l’initiative de la famille Kapangala, les familles des victimes du 21 janvier 2018 se sont regroupés au sein d’un collectif dénommé « collectif Bosembo » dans le but de mutualiser leurs efforts pour réclamer justice (plusieurs sont à l’oubliette (70 Familles à Kinshasa). Il y a des enfants qui sont restés orphelins, il faut une prise en charge et des réparations.